Interview de Sylvie Matz, Senior advisor et Coach

Le bilan sur la mixité (Étude sur la parité dans le capital-investissement en 2021) montre des évolutions lentes mais réelles en faveur d’une féminisation des effectifs dans le capital-investissement. Le sujet de la parité est d’autant plus important qu’il préoccupe aussi les LPs. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

Je suis à la fois impatiente et intriguée.

Impatiente par ce que je suis active dans le secteur depuis 30 ans et je constate que la gestion d’actifs alternatifs s’est massifiée et, en même temps, il y a autant de femmes et d’hommes entrant sur le marché du travail au cours du dernier quart de siècle, et pourtant on ne retrouve pas cet équilibre paritaire dans toutes les sociétés de gestion.

Je suis intriguée parce que certains acteurs ont déjà réussi à atteindre l’égalité homme/femme. Je pense notamment à Hi inov et Valérie Gombart, sa fondatrice et dirigeante. La parité est à chaque niveau de cette société de gestion. Donc on peut y arriver.

La situation de déséquilibre actuel à l’échelle de tout le secteur de l’investissement est complexe et par conséquent on ne peut pas simplifier ou trouver un sésame valable pour tous. Chaque dirigeant.e avec son équipe doit regarder la situation en face et mettre en place les réponses adéquates à son contexte et ses enjeux. Le travail est à faire sur tous les fronts : prise de conscience des biais et stéréotypes, recrutement, rétention, égalité salariale, promotion, gestion de portefeuille. Les ressources existent aujourd’hui et le partage de bonnes pratiques est de plus en plus simple, encore faut-il prendre le temps de se remettre en question et dessiner avec toutes les parties prenantes, Lps notamment, la feuille de route et surtout l’exécuter.

En ma qualité de senior advisor, actuellement en levée de fonds pour le compte d’un fonds européen, je me suis donnée comme objectif de faire le maximum de réunions à parité. La bonne nouvelle c’est que le sujet n’est plus tabou.

La diversité peut signifier beaucoup de bonnes choses pour les investisseurs. Elle est, notamment, souvent considérée comme une source de performance et d’innovation. Selon vous, cette corrélation est-elle réelle sur le terrain ?

La performance et l’innovation sont à entendre au sens du processus et du cheminement et pas seulement du résultat. La diversité, comme en photographie, permet d’avoir un grand angle sur le paysage, elle permet aussi de révéler plus de nuances donc d’être un investisseur plus informé dans la prise de décision comme dans l’engagement autour d’une vision.

La diversité c’est aussi un enjeu d’équipe, chacun investissant autant d’énergie dans la relation que dans la transaction. Comme disent si bien les Anglais – I have your back- c’est comme ça que je conçois notre métier d’investisseur. On est là dans les bons et les moins bons moments, complexes et simples.

Ce que je vois sur le terrain ce sont des hommes et des femmes, de plus en plus, qui marquent leur temps et les esprits. Quand j’étais Operating Partner chez TDR Capital, Angèle Brucker a été la première femme à intégrer le comité de direction d’Algeco, le leader mondial de la construction modulaire, en tant que directrice de centre de profits. Sa promotion et sa carrière ont créé un précédent qui inspire chaque jour les hommes et les femmes de cette organisation.

Vous animez la formation Assertivité et leadership au féminin que France Invest a co-construite avec Skema Business School. Pouvez-vous nous expliquer les objectifs de cette formation et les impacts qu’elle peut avoir sur les femmes du capital-investissement ?

L’objectif de cette formation est avant tout celui du développement professionnel des acteurs du secteur, c’est-à-dire permettre, en abordant la question et les enjeux de la parité, de former des investisseurs responsables. Comme le disait une participante du programme, j’espère que cette formation sera obsolète dans quelques années car la parité sera la norme et plus l’exception. Mais on a encore du chemin à faire …

Permettre aux femmes de suivre une formation 100% féminine c’est donner un espace exclusif et sécurisé pour échanger, se construire un réseau ou encore tester en toute confidentialité des idées. Mais ce n’est qu’un temps et un espace de transition. Il faut que chaque participante soit, aussitôt de retour sur son lieu de travail, l’agent du changement sur le terrain. Ce qui est notable avec cette formation c’est que plusieurs organisations continuent l’aventure avec des programmes de mentorat et/ou des ateliers mixtes. Dans tous les cas les participantes prennent en main leur carrière et leurs besoins de développement, en enrichissant en amont ou après la formation leur répertoire avec des modules sur la négociation ou la prise de parole.

Quels retours avez-vous des anciennes participantes ? Peut-on affirmer que vous leur avez donner les clés pour briser le plafond de verre et oser s’affirmer ?

Quelques retours m’ont marqué plus que d’autres : « après la formation j’ai demandé et négocié ma promotion » – une autre « je n’étais pas sûre de rester dans le secteur du capital investissement, maintenant je suis déterminée à contribuer sur le long terme » ou encore « j’ai refusé un nouveau poste pour aller me positionner sur un enjeu plus prêt de mes valeurs et de mon ambition ».

Quant aux clés, ce sont les participantes qui les ont en main. Je fais un bout de chemin avec elles, je questionne, je transmets mon expérience de 30 ans de leadership, je participe à créer un espace sécurisé d’apprentissage avec toute l’équipe pédagogique de SKEMA Executive Education. Nous sommes au service des talents pour expliquer, questionner, démontrer les bienfaits de parité pendant et au-delà de la formation. Le plafond de verre est double, comme le démontre depuis 10 ans Michel Ferrary avec l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises. C’est une réalité et un enjeu de tous les jours et au cœur de chacune des relations.

Ce qui est unique en France c’est l’investissement de l’association France Invest sur le sujet de la parité avec son catalogue de formation et ses actions et événements dans tous les territoires et sur tous les fronts. Mais les déséquilibres ont la vie dure, si on ne les pourchasse pas à chaque instant, ils reviennent au galop. C’est comme les biais inconscients, c’est infini mais quand on est un peu plus vigilant, on devient bien plus impactant, et on peut réécrire les codes de la profession pour accueillir toutes les diversités et toutes les opportunités.

Pour aller plus loin, voici toutes les informations pour rejoindre la prochaine promotion de la formation Assertivité et leadership au féminin, réservée aux professionnelles du capital-investissement. Retrouvez le lien ici