Interview de Caroline Rémus, Présidente sortante de la Commission de Déontologie de France Invest

Caroline Rémus termine son mandat en tant que présidente de la Commission. Elle revient sur ce qui l’a animée durant ces six dernières années.

© Frédéric Bukajlo

— Pourriez-vous nous dire ce qui vous a amenée à la présidence de la Commission de Déontologie ?

Caroline : J’ai consacré mon parcours professionnel à l’accompagnement des PME et en particulier depuis une vingtaine d’années à travers l’activité de capital-investissement, transmission et capital-développement, et notamment chez Seven2, précédemment dénommée Apax. En parallèle, investir du temps de partage au sein de France Invest m’a toujours paru une dimension indispensable d’ouverture et de formation, et aussi l’opportunité de créer denombreux liens personnels entre confères, permettant de prendre de la hauteur par rapport à une vision réduite à la compétition. Les sujets d’intérêt général et communs à une profession comme la nôtre sont extrêmement nombreux.  C’est cette expérience qui m’a conduite à la présidence de la Commission de déontologie, un poste que j’ai occupé avec un intérêt très fort durant mes deux mandats successifs.

Quels sont les avancées majeures opérées au sein de la Commission de Déontologie sous vos mandats ?

Caroline : Il y en a plusieurs que l’équipe que nous formons au sein de la Commission peut mettre en avant.

  • Rappelons tout d’abord que la mission de la Commission est à la fois à visée « prophylactique », c’est-à-dire : prévenir des situations de non-conformité à nos règles de déontologie que chaque membre s’engage formellement à respecter au moment de son adhésion, mais aussi disciplinaire, en sanctionnant ceux qui s’en écartent afin que soit assurée la bonne réputation de notre profession. La confiance de ses parties prenantes est en effet un actif commun aux membres de France Invest, actif essentiel à leur activité.
  • Au titre de l’information et de la prévention, la Commission a rendu accessible une synthèse de sa jurisprudence disciplinaire, afin d’aider non seulement les membres de France Invest mais aussi leurs partenaires et les investisseurs à comprendre la portée des principes déontologiques de France Invest, de faire connaitre les bons et moins bons comportements, ainsi que les cas de non-recevabilité d’une plainte auprès d’elle. En effet il faut distinguer les cas qui relèvent de la Commission de ceux qui qui concernent la médiation, les relations commerciales, ou bien qui relèvent des tribunaux. La Commission a par ailleurs, au fil des années, prononcé un certain nombre de rappels à l’ordre ou de sanctions, d’importance variable.
  • La Commission réunit des professionnels de grande qualité et qui sont formidablement investis dans une tâche qui peut parfois sembler ingrate mais dont la vocation est de servir et préserver moralité et bonne tenue du métier. Afin d’assurer le recul nécessaire à la prise de décision sur les questions délicates traitées par la Commission, nous avons proposé à l’Assemblée Générale de l’Association de juin 2023 une résolution qui a été votée élargissant la composition de la Commission et de sa formation disciplinaire à des membres extérieurs à la profession, tout en préservant une présence importante d’investisseurs en private equity, qui ont la vision sensible de « ce qui se fait et ce qui ne se fait pas » dans nos métiers d’investisseurs.

Quels défis avez-vous rencontrés durant votre mandat et comment les avez-vous surmontés ?

Caroline : Le défi permanent de la Commission est double :

  • Savoir apprécier les actions d’un pair quand parfois la situation est complexe à décortiquer, identifier et qualifier les torts, éventuellement partagés, en tenant compte des éléments de contexte pertinents et en écartant ceux qui ne le sont pas ;
  • Et savoir se tenir sur la bonne ligne de crête, qui est de ne pas raisonner en droit, tout en tenant compte bien sûr des aspects juridiques omniprésents dans nos métiers. Nous ne sommes pas là pour nous prononcer comme le feraient des juristes, même si certains membres de la Commission peuvent l’être par ailleurs. Le non-respect du droit est du ressort des tribunaux et ce sont eux qui doivent se prononcer sur ces questions. Nous sommes là pour apprécier les comportements au regard des principes de déontologie de la profession, en particulier la loyauté et la transparence, et nous devons nous tenir sur un chemin différent de celui des juges.

Les réflexions et débats qui animent les travaux de la Commission forgent au fil du temps ses convictions et conduisent aussi ses membres à s’interroger sur les évolutions de l’exercice du métier de private equity. Ainsi la Commission a souhaité actualiser le Code de déontologie de France Invest, afin de tenir compte des observations recueillies au fil des affaires traitées. A noter par ailleurs que la Commission travaille aussi sur la refonte du Règlement de déontologie commun à l’AFG et France Invest.

Enfin, et puisque l’on parle de défis, soulignons que la Commission cherche en permanence le bon équilibre entre transparence et confidentialité concernant les affaires qu’elle traite. L’objectif est de préserver la bonne image de la profession, en sanctionnant bien sûr les cas éventuellement graves et non tolérables, mais aussi en suscitant une prise de conscience vis-à-vis de comportements contestables, où l’on a pu s’égarer momentanément.

Quels conseils donneriez-vous à votre successeur ?

Caroline : La déontologie n’est pas seulement une question de règles, mais aussi une question de valeurs. Quand elles sont oubliées ou maltraitées, il est utile qu’une instance soit là pour rappeler les engagements pris. Les membres de la Commission sont bénévoles et se donnent beaucoup de peine pour trouver la bonne façon d’analyser et d’expliquer, c’est un atout précieux de l’Association qu’il faut continuer à faire vivre, y compris dans son état d’esprit bienveillant. Car même si cela peut paraitre paradoxal par rapport à son titre et sa capacité à délivrer des sanctions, la Commission est fondamentalement bienveillante et respecte le principe de la présomption d’innocence. Enfin, il est essentiel de rester adaptable et ouvert aux changements, car le métier évolue rapidement et avec lui, logiquement, de nouveaux défis éthiques apparaissent.

Un dernier mot pour conclure ?

Caroline : Je tiens à remercier tous les membres de la Commission de déontologie pour leur engagement et leur dévouement, ainsi que la présidence, la direction générale et la direction juridique de France Invest, qui portent un soin très particulier à ce que la Commission puisse travailler dans les meilleures conditions d’indépendance et d’organisation. Ce fut un honneur et un plaisir de travailler avec eux. Je suis convaincue que la Commission continuera à jouer un rôle crucial dans la promotion de l’éthique dans notre profession.