Veille juridique et fiscale n°56

05 décembre 2024

Actualité nationale

La motion de censure du NFP vient d’être votée à la suite du vote de confiance demandé par le gouvernement en activant l’article 49 al. 3 de la Constitution sur le PLFSS : le PLFSS est donc rejeté et le gouvernement devient démissionnaire.

Remarque préliminaire: le PLFSS rejeté, il n’y a pas besoin de vote du texte du PLFSS pour percevoir les cotisations ni engager les dépenses. Seule la possibilité d’emprunter pour les organismes de sécurité sociale nécessite une loi (loi spéciale ou utilisation par le Président de la République de l’article 16 de la Constitution).

➡️ Quelles conséquences aura la démission du gouvernement sur le texte du projet de loi de finances ? Décryptage des différents scenarii.

Hypothèse 1 : Loi spéciale (dite « d’urgence » prévue à article 47 al. 4 de la Constitution) 
  • Un nouveau gouvernement est très rapidement nommé et décide de déposer un nouveau PLF (et un nouveau PLFSS).
  • Dans ce cas, le nouveau PLF ne sera pas déposé dans les temps impartis pour être promulgué avant le début de 2025. 
  • Les débats sur ce nouveau PLF se poursuivront jusqu’en février 2025 (70 jours) – sauf censure du nouveau gouvernement ou rejet par le Parlement.  
  • Dans l’attente de son adoption et pour faire la jonction entre le PLF 2024 et le PLF 2025, le gouvernement met en œuvre l’article 47 al. 4 de la Constitution (ou s’il n’est pas tout à fait dans les conditions permettant la mise en œuvre de cet article, il s’appuie sur cette procédure) pour : 
    • Voter une loi spéciale l’autorisant à poursuivre le prélèvement des impôts 2024 sur début 2025, (« prélèvements sur recettes et emprunts ») ;
    • Ouvrir des crédits par décret se rapportant aux services existants. 
Hypothèse 2 : L’Ordonnance
  • Le gouvernement démissionnaire gère les «Affaires courantes» (on estime que le PLF ne fait pas partie des « Affaires courantes »)
  • Interruption des débats sur le PLF jusqu’à la nomination d’un nouveau gouvernement ce qui suspend le délai de 70 jours
  • Nomination d’un nouveau gouvernement avant la fin de l’année qui reprend l’examen du PLF déposé en octobre.
  • Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans le délai de 70 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance
  • C’est alors le texte du PLF initial déposé le 10 octobre dernier à l’Assemblée national et non amendé qui sera mis en œuvre par ordonnance (art 47 al. 3) avant le 31 décembre 2024.

Cette hypothèse est assez théorique et ne pourrait se produit que si le nouveau gouvernement est nommé à une date permettant la reprise du délai de 70 jours et son expiration avant le 31 décembre. Elle a été évacuée par le gouvernement Barnier. Mais nous ne savons pas quelle sera la position du prochain gouvernement sur cette option. 

Hypothèse 3 : Loi spéciale non adoptée (à la suite de l’hypothèse 1) et déclenchement de l’article 16
  • Le Président de la République est autorisé à promulguer le budget qu’il souhaite après consultations multiples (Conseil Constitutionnel, Présidents du Parlement, etc.).
  • Deux conditions cumulatives :
    • interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics.
    • menace grave et immédiate sur les institutions de la République, indépendance de la nation, intégrité du territoire, exécution des engagements internationaux.

Les travaux de l’Assemblée nationale sont ajournés, ainsi que ceux du Sénat en séance. En revanche, les Commissions et missions d’information de l’Assemblée nationale continuent leur travail.

Bien que le prochain texte du PLF soit très incertain, certaines de nos propositions ont été validées par le Sénat.

Régime fiscal de la nouvelle société de libre partenariat spéciale : ✅ adopté par le Sénat

Confirmer que la nouvelle sorte de société de libre partenariat créée par l’ordonnance du 3 juillet 2024 appelée société de libre partenariat spéciale a le même régime fiscal que la première. I-1707 (avis favorable du gouvernement)

BSPCE : ✅ adopté par le Sénat

Préserver les droits acquis des détenteurs de BSPCE garantissant aux bénéficiaires la stabilité fiscale et financière de leurs investissements, en retenant la date de souscription à compter du 1er janvier 2025. Ainsi, l’article 25 qui dispose que l’avantage salarial issu des BSPCE est imposable en cas de transfert des titres obtenus grâce à leur exercice ne sera pas rétroactif. I-1406

IR PME : ✅ adopté par le Sénat

Soutenir l’innovation en ajustant la fiscalité des FCPI. Il augmente la réduction d’impôt pour les FCPI à 25 % et supprime celle pour les FIP métropolitains, tout en ciblant les fonds d’investissement sur la Corse et les territoires ultra-marins. I-347 (avis défavorable du gouvernement)

Régime fiscal des acquéreurs de part de fonds : ✅ adopté par le Sénat

Permettre à l’acquéreur de parts de fonds de capital-investissement d’être éligible au même régime qu’un souscripteur sous réserve que ce dernier respecte à son tour les conditions de conservation de parts et de réinvestissement des distributions du fonds pendant la même période que le souscripteur initial, à savoir 5 ans (article 163 quinquies B du COMOFI). I-1393 (avis défavorable du gouvernement)

D’autres propositions ont moins convaincu :

Impôt national complémentaire : ❌ rejeté par le Sénat

Clarifier que toutes les sociétés de gestion de fonds français sont déchargées des obligations déclaratives et de paiement de l’INC pour les groupes Pilier 2. I-1400

En revanche, l’amendement du gouvernement I-2108 adopté par le Sénat complète les dispositions relatives au recouvrement de l’impôt national complémentaire dû à raison de la sous-imposition des entités d’investissement et des entités d’investissement d’assurance :

  • le groupe doit désigner comme redevable de cet impôt une seule entité constitutive située en France et supprime donc la possibilité pour le groupe de désigner plusieurs redevables.
  • dans le cas où le groupe ne désignerait pas spontanément une entité redevable, le redevable sera alors l’entité constitutive membre de ce groupe et située en France, autre qu’une entité d’investissement ou une entité d’investissement d’assurance, qui a la capacité contributive la plus importante ;
  • il précise, par ailleurs, que les entités d’investissement et les entités d’investissement d’assurance demeurent redevables de l’impôt national complémentaire lorsqu’aucune autre entité constitutive du groupe n’est située en France.

Attractivité des fonds français et exonération de retenue à la source : ❌ rejeté par le Sénat

Exonérer de retenue à la source les revenus de source française qui sont redistribués aux associés non-résidents de certains véhicules de capital investissement, de dette privée et d’infrastructure de droit français. L’objectif est de renforcer l’attractivité de la France pour les gestionnaires d’actifs en capital investissement et infrastructure en les encourageant à constituer leurs véhicules d’investissement dans les secteurs générateurs de revenus réguliers (dette privée, infrastructure) en France. I-1392

Attributions d’actions gratuites : ❌ rejeté par le Sénat

Faciliter l’actionnariat salarié dans les PME et ETI en étendant le sursis d’imposition lors d’attributions d’actions gratuites à au moins 25 % des salariés. Il propose également la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs pour compenser la perte de recettes pour l’État. I-294 ; I-1418

Régime fiscal du dispositif d’apport cession : ❌ rejeté par le Sénat

Clarifier les conditions d’application du régime d’apport cession et les modalités d’appréciation de la condition tenant à la forme de l’investissement (souscription ou acquisition de titres de capital et titres donnant accès au capital) lorsque le fonds investit via une holding ou une autre entité d’investissement. I-1407

Autres amendements d’intérêt :

Par ailleurs, nous suivrons avec attention l’amendement des indépendants adopté par le Sénat visant à clarifier le droit applicable en matière de plans d’investissement des dirigeants et salariés et ainsi de limiter certains abus constatés. Même si le texte est améliorable, nous estimons qu’il s’agit d’un bon début pour clarifier l’encadrement des management packages.

Enfin, notons que contre l’avis du gouvernement, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements pour relever l’exit tax, la flat tax sur les revenus du capital ou encore élargir l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en le transformant en impôt sur la fortune « improductive ».

Actualité européenne

La nouvelle Commission européenne est entrée en fonction le 1er décembre

Après avoir été approuvée par les députés européens, la nouvelle Commission européenne est entrée en fonction le 1er décembre dernier. Sa présidente, Ursula Von der Leyen, a en particulier souligné la nécessité pour le secteur privé de combler le déficit d’investissement nécessaire pour assurer la croissance de l’Europe. Elle a notamment annoncé l’introduction d’une « boussole de la compétitivité », une action basée sur un triptyque compétitivité, sécurité et décarbonisation, la publication d’un Green Industrial Deal et d’un livre blanc sur le futur de la défense européenne dans les 100 premiers jours ainsi qu’une réduction des charges, une facilitation de l’accès au financement pour les start-ups et scale-ups, une augmentation des dépenses de R&D et une attention particulière pour l’innovation numérique.

👉 Présentation des nouveaux Commissaires


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